De Pond-Inlet à Cambridge Bay
De Pond Inlet à Gjoa Haven et à Cambridge Bay: Claire
Jeudi 9 août
François est arrivé avec une demi-heure d’avance! Pendant que Guy et moi nous nous apprêtions à monter dans l’annexe (canot pneumatique qui nous permet d’aller à terre) nous avons vu son avion arriver! On accélère pour faire les deux cents mètres qui nous séparent de la plage, on monte le canot sur la plage, on monte la côte presque en courant pour arriver 15 minutes plus tard à l’aéroport où Yann avait déjà fait connaissance avec François. Ouf! Puis, nous avons l’opportunité de monter dans le minibus de l’hôtel pour retourner à la plage.
Dans la journée, un couple rencontré sur la plage nous a donné un magnifique omble de l’arctique (poisson) que je vais préparer pour le souper.
Ça commence bien le séjour de François!
Dans les prochains jours, nous terminerons les préparatifs pour la suite du voyage. Il nous faut trouver du gaz propane, de l’eau douce, du mazout et bien sûr, refaire le plein de nourriture. À Pond Inlet, ce n’est pas une sinécure.
D’abord, à l’épicerie, on nous dit qu’il n’y a plus de gaz propane, les stocks sont vides (!!?). Plus tard, on croise le gérant de cette épicerie, à l’hôtel du village, et il nous assure qu’il peut nous en trouver. Nous retournons avec lui et il nous vend une bouteille pour la modique somme de 130$. Bienvenue dans le Nord! Pour le plein d’eau, on nous dit qu’il est mieux d’aller puiser de l’eau dans une rivière à 10 milles au Nord-Est, ce qui veut dire rebrousser chemin. Finalement c'est au Hamlet (hôtel de ville) que nous commandons notre eau, un camion citerne fera la livraison et nous attendra pendant que nous transférons nos bidons remplis dans les réservoirs du bateau. Nous aurons besoin de trois voyages en annexe vers le bateau.
On se fait ensuite livrer le carburant diésel sur la plage de la même façon.
Il ne reste que le plein de nourriture à faire. J’ai fait quelques petites épiceries qui, chaque fois, m’ont couté très cher. J’apprends ensuite qu’ils font une vente d’entrepôt pour vider les stocks! J’y achète une foule de denrées pour le cinquième du prix! Nous sommes prêts à partir.
Lundi 13 août
Hier, nous avons subi un petit coup de vent d'une trentaine de noeuds. Le vent était de face, nous avons donc rebroussé chemin sur une douzaine de milles pour trouver un mouillage bien protégé.
Ce matin, le temps est calme et nous reprenons la route par mer d’huile. Pas de vent et grand soleil! Temps idéal. Ça vaut la peine parfois d’attendre. François dit « il ne manque qu’une baleine pour que ce soit parfait! ». Quinze minutes plus tard, nous apercevons au loin un couple de baleines. Merci François! En approchant, on identifie des baleines boréales, qui ont déjà été en voie d’extinction. Nous sommes chanceux!
La présence de François me fait du bien, ça m’apaise. Il me donne des nouvelles de la famille et ça me réconforte. Il a apporté un téléphone satellite qui lui permet d’appeler Johanne, sa conjointe, qui pourra nous donner des nouvelles et nous donner la météo de la région. Nous ne pouvons pas recevoir de courriels avec ce téléphone, mais ça nous donne une sécurité supplémentaire.
Depuis le Groenland, notre radio amateur, avec laquelle nous avions prévu envoyer et recevoir des courriels et des cartes météo, ne fonctionne plus. Nous pouvons entendre, mais pas émettre. Maintenant, le téléphone satellite de François pourra pallier ce problème.
Mardi 14 août
Pond Inlet, Gjoa Haven, Cambridge Bay, Tuktuyaktuk… Ces destinations représentent le but ultime de la vie de certains découvreurs (le québécois Joseph-Elzéard Bernier, le norvégien Amundsen et les Anglais James Ross et Franklin) à la recherche du fameux passage du Nord-Ouest. Ils y ont fait leurs renommées ou y ont laissé leur vie.
Après la remontée du détroit de « Navy Board » nous débouchons dans le détroit de Landcaster. Nous avons droit à un beau lever de soleil, mais ensuite, les nuages nous apportent de la neige. Il fait deux degrés! Guy, pendant son quart de veille, a même eu de la difficulté à voir tellement la neige tombait dru!
La météo nous annonce des vents de 15 à 30 nds (30 à 60 kmh) pour descendre le détroit de Prince Régent. Nous devrions l’atteindre vers minuit. Nous remontons l’annexe sur le pont et nous sommes prêts à affronter ce possible coup de vent. Chacun va dormir à son tour.
Mercredi 15 août
Le vent a soufflé de 30 à 35 Nds une bonne partie de la nuit. Yann et Guy, qui sont de quart jusqu’à deux heures du matin, n’ont pas arrêté de manœuvrer les voiles pour optimiser le comportement du bateau. Ils nous ont laissé dormir plus tard et François et moi avons repris notre quart sous régulateur d’allure, au petit matin. Nous devions trouver un endroit pour nous arrêter et nous reposer.
Nous avons trouvé une baie sur le rivage ouest du détroit de Prince Régent mais en tentant d’y aller, le vent a refusé, il soufflait de devant. Nous avons mis le moteur en marche et tranquillement le temps a changé. Le soleil est apparu et un courant portant nous poussait vers le sud. Parfait! Nous avons continué jusqu’au détroit de Bellot. Chacun s’est reposé avant d’arriver jeudi avant-midi.
Jeudi 16 août
Un autre voilier est au mouillage de Fort Ross. Nous distinguons un voilier rouge et en approchant nous reconnaissons le voilier hollandais «Jonathan ». Ils partent dans une heure et nous laisse une carte des glaces avant de partir. Merci!
À terre, on trouve ici la cabane qui abritait le comptoir de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Nous y avons laissé une petite note dans un livre mis à la disposition des navigateurs de passage. Nous avons trouvé la note de passage du Sedna IV. Nous y avons laissé aussi un de nos livres « Balthazar autour du monde » en souhaitant qu’il passe de mains en mains…
Je trouve, sur la plage, des os d’ours blanc (je crois) que je rapporte pour mon amie Geneviève qui veut que je lui rapporte du bois flotté… Elle imaginera sûrement quelque chose à fabriquer avec ce bout de fémur… Je trouve aussi une roche spéciale pour Manon.
Vendredi 17 août
Nous traversons enfin le fameux détroit de Bellot. Lorsque celui-ci est ouvert (que les glaces l’ont quitté) , ça peut être un signe que le reste du passage est débloqué. Pour l’instant, la carte de glace du voilier Jonathan nous dit qu’il reste encore un bouchon dans le détroit de James Ross, juste avant d’arriver à Gjoa Haven.
Pendant que nous traversons Bellot, nous croisons le voilier « Dodo’s Delight » rencontré à Pond Inlet. Ils font le trajet inverse! Ils nous disent vouloir s’abriter des vents du Sud-Est prévus pour demain.
Nous nous arrêtons à 18h00, dans Camilla Cove, un mouillage protégé des vents d’est, du sud et du nord. Nous repartirons lorsque la tempête se calmera.
Nous trouvons à terre un bassin d’eau où on fait le plein dans nos bidons vides. L’eau est belle, mais le fond de l’étang est parsemé de crottes d’oies ou d’oiseau du genre… François fait remarquer qu’à cette température (entre 2 et 10 degrés) les bactéries ne vivent pas longtemps. Nous conserverons tout de même cette eau pour usages extrêmes.
Nous remarquons, sur la plage, des pistes de maman ourse et de son petit. C’est une bête redoutée quand nous sommes en randonnées à terre, mais heureusement, ces traces ne sont pas récentes. Nous restons tout de même prudents.
Avant de revenir sur le bateau, je ramasse quelques roches et les transporte en haut de la colline pour y laisser un petit inukshuk qui marquera notre passage ici.
Samedi 18 août
Nous continuons et pendant la nuit, Yann et Guy font route sous voiles par bons vents du Sud-Est et contournent un pack de glaces. Nous reprenons la barre, François et moi, à deux heures du matin. À trois heures, je distingue devant une grande bande de glace qui n’a pas l’air de laisser beaucoup d’ouvertures… En approchant, nous devons nous rendre à l’évidence que ça ne passe pas. Je réveille Guy et lui dit que nous allons rebrousser chemin pour trouver un endroit pour nous arrêter. Le vent se met à souffler de l’Est de plus en plus fort et ramène les glaces vers nous et bloque notre retraite. Nous trouvons finalement une éclaircie dans la glace, près de la côte où nous pouvons ancrer.
Nous allons tous nous coucher et une heure plus tard nous sommes réveillés par un gros morceau de glace (growler) qui s’est logé entre la chaîne de notre ancre et le devant du bateau! Branle-bas de combat, on se lève pour se réancrer plus près de la côte. Nous dînons et prenons la décision de rebrousser chemin pour trouver un ancrage plus sécuritaire au Sud.
Le vent est contraire et force à 30 - 35 noeuds. Il est impossible de continuer et nous retournons vers le Nord. Guy écrit dans le livre de bord «Les derniers milles contre le vent pour rejoindre le mouillage près de la côte seront pénibles. Le moteur peine à nous faire avancer à 2 milles à l'heure, 40 nds de vent dans le nez. Finalement, mouillons 2 ancres sur fond de sable. Ouf! repos.»
Dimanche 19 août
Au mouillage, le vent a soufflé toute la nuit, très fort. Nous avons mis deux ancres qui tiennent bien à l’avant. Nous avons appelé Rémy (un ami de Montréal), grâce au téléphone de François, pour avoir une météo de la région. Le temps s’apaisera demain. Nous décidons de repartir à cinq heures demain matin. Merci Rémy!
Nous faisons une soirée cinéma avant d’aller nous coucher.
Lundi 20 août
Repos au mouillage.
Mardi 21 août
Nous repartons pour faire 35 milles jusqu’à un mouillage plus au Sud. Il faut se rapprocher de notre destination prochaine, Gjoa Haven, où nous pourrons refaire l’approvisionnement… Je commence à fouiller dans mes réserves de légumes déshydratés. Brocolis et carottes pour la soupe, oignons, tomates et poivrons pour les pizzas, chilis, curry, pâtés…
Mercredi 22 août
Nous repartons sous voiles par petit temps pour terminer la route à moteur après une trentaine de milles un peu au nord de James Ross Strait. Il nous restera environ 100 milles à faire pour arriver à Gjoa Haven.
Jeudi 23 août
Nous partons après le déjeuner pour faire les 100 milles restants. Nous naviguons à moteur, car il n’y a toujours pas de vent. On annonce pourtant des vents du nord qui nous permettront, je l’espère, de terminer cette navigation. Nous devons absolument limiter notre consommation de «diésel» pour pouvoir arriver. Nous arrivons à la fin de nos réserves d’eau potable. Je devrai faire bouillir l’eau des bidons extérieurs (ceux dont l’eau fut recueillie dans l’étang de Camilia Cove) pour cuisiner.
Il est 11h30, je vais aller préparer un petit dîner. Le soleil pointe son nez! Ça fait du bien.
Vendredi 24 août
Arrivée à Gjoa Haven dans la brume du petit matin. Déjeuner et dodo.
Samedi 25 août
Une belle rencontre à Gjoa Haven. Joëlle, Janusz et leur fils Daniel du voilier français « Margueritte » qui, au petit matin, était ancré près de nous.
Nous pensons repartir ce matin de Gjoa Haven. Nous avons été très efficaces pour faire toutes nos corvées (plein d’eau, de mazout, épicerie et nous avons même trouvé une dame qui nous a offert sa maison le temps de prendre une douche et de faire deux brassées de lavage! Nous lui avons donné un peu de sous pour la remercier. Sa maison est un feu roulant de visites de toutes sortes; nièce avec sa petite famille, son petit fils et ses amis, etc… La dame doit aller travailler à l’hôtel et nous laisse seuls dans sa maison. En repartant, François réalise qu’il n’a plus de bottes. Elles ont disparues! Après quelques recherches infructueuses auprès de la dame, il n’a toujours rien trouvé. Il fait un échange avec de vieilles bottes appartenant à la famille de la dame…
Ce matin, François et moi avons réussi à appeler nos parents et souhaité un bon anniversaire à papa qui aura 87 ans demain.
Il est 11h15, heure locale, nous devrions repartir après le dîner pour nous rendre à Cambridge Bay à près de 240 milles.
Après le dîner, nous allons visiter le voilier français « Marguerite », arrivé ce matin dans la baie. Ils sont français et polonais. Ils nous suggèrent de partir dans la nuit pour arriver au Simpson Strait pendant le jour, à cause des nombreux virements à faire dans ce détroit. Nous repartons donc à minuit pour arriver deux jours plus tard (lundi 27 août en soirée), à Cambridge Bay.
Claire
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