Les prémices: une nouvelle de 1999

2014-12-11 | Commentaire | Dernière publication

Prémices à un tour du monde 1999 

Claire raconte

Au début des années 80, lorsque Guy m’a demandé si je voulais construire un voilier, j’ai répondu oui tout de suite, sans vraiment réfléchir. Peut-être que je n’y croyais pas vraiment à ce moment-là, mais j’ai vite compris que cette idée de partir un jour pour faire un tour du monde à la voile était bien ancrée en lui, «indélogeable».

Après mes études en éducation physique et nos premières années de vie commune, je ne doutais plus que cette idée... que dis-je, ce rêve démesuré serait coûte que coûte mené à terme. J’avais de la difficulté à me faire à cette idée, car mes aspirations étaient tout autres! Je voulais travailler dans mon domaine, m’impliquer socialement et avoir des enfants. Guy m’emmenait voir les bateaux dans les marinas, il me présentait des personnes qui avaient fait l’expérience de ce genre de périple, il m’apportait des récits de voyage ainsi que des revues de voile… Bref, il tentait par tous les moyens de semer cette idée en moi.

Guy rêve…

J’ai mis les pieds sur un voilier pour la première fois de ma vie un peu avant de connaître Claire. J’avais 19 ans, c’était lors d’un voyage en Bretagne et l’expérience m’a plu. Déjà le voyage prenait une place importante dans ma vie, j’aimais ça!

C’est à la lecture des récits de grands navigateurs que le rêve s’est développé. Le petit embryon nourri de littératures nautiques eu tôt fait de devenir une passion. Une passion pour le voyage, pour la mer, les bateaux et pour une vie différente. Un rêve tellement présent en moi que la seule façon de me le sortir de la tête était de le réaliser.

La rencontre de Claire fut un moment décisif. À deux, nous étions encore plus forts, la mise en commun de nos rêves n’allait pas diluer ceux-ci, mais bien les rendre plus présents en chacun de nous.

À la fin des années 80, nous passions commande d’une coque de voilier à un chantier de la région montréalaise. Nous n’étions pas très riches, mais nous avions une foi inébranlable en notre projet et un amour fou l’un pour l’autre.

Claire se laisse convaincre

Chez moi, l’idée a pris racine petit à petit. Il est certain que la venue des enfants m’a apporté des questionnements et des doutes. Mais une fois ma décision prise, j’y ai vu une façon extraordinaire de prendre ma vie en main et un défi à la mesure de mes espérances, car vivre en communion avec la nature correspondait à mes idéaux. J’y voyais aussi d’immenses possibilités en terme d’éducation pour mes enfants.

Un bateau qui grandit

Le rêve prenait forme, celle d’un joli voilier de 10,50 m. C’est en 1994, après sept ans de travail acharné, de sacrifices, de persévérance et de volonté que notre voilier Balthazar fut mis à l’eau à la marina Gosselin à Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix.

 Fini de passer pour un hurluberlu excentrique constructeur d’un voilier en acier : « Ça va-tu flotter ? Tout ce travail pour un bateau, pourquoi pas une belle maison! »

Une étape importante

J’ai eu parfois bien du mal à supporter les commentaires négatifs et garder foi en notre projet. La mise à l’eau fut pour moi une étape importante, un pas de plus vers la réalisation de ce rêve. Il fallait s’accrocher à ce bout d’espoir et y croire plus que jamais.

Des ronds dans l’eau

Les cinq étés suivants, nous avons navigué sur le lac Champlain afin de bien connaître Balthazar et de nous familiariser avec la voile. La théorie devenait pratique. Les filles étaient très jeunes et nous appréciions ces virées de fin de semaine au grand air. La première année, Joëlle était encore un petit bébé et quelquefois nous avions à choisir entre hisser le spi ou changer sa couche! Le spi pouvait attendre! Petit à petit, on apprenait la voile, mais aussi la vie à quatre dans un espace restreint.

Les préparatifs du départ

L’année 1999 fut bien occupée. Nous avons mis la maison en vente. Il fallait aussi prévoir les démarches pour sortir les enfants de l’école et pour acheter le matériel nécessaire à leur instruction. Ensuite est arrivé le temps de faire les changements d’adresse, d’annuler des cartes et abonnements inutiles, de faire une méga « vente de garage » et de préparer des boîtes en vue de l’entreposage de certains meubles et effets personnels. Bref, nous nous délestions tranquillement de tout un tas d’acquis superflu… Chose curieuse, j’ai ressenti un certain soulagement à me défaire de tous ces objets. Les objets inutiles encombrent notre espace et notre esprit et nous empêchent d’être libres! Moins j’en avais, plus je me sentais bien!

Enfin!

Au printemps de la même année, pendant que la nouvelle propriétaire prenait les rênes de mon commerce en main, je terminais les derniers travaux avant le grand départ fixé au mois de septembre.

Le 12 septembre 1999, nous quittions le quai de la marina Gosselin, cap au sud. Nous laissions dans notre sillage de terriens des années de travail, mais aussi tout le poids d’un tel projet.

La construction de Balthazar n’était pas une fin en soi, mais le chemin menant au voyage et à la découverte. Balthazar devenait notre maison sur l’eau, notre compagnon de route. Nous partions en mer pour la liberté, le plaisir, l’émotion et la richesse d’une vie en famille et non pour prouver quoi que ce soit. Nous ne courrions après aucun record, nous ne partions pas pour vaincre quiconque, ni même nos propres fantasmes, mais pour vivre simplement, poussés par le vent.

Une année d’essai

Partir en bateau, c’est d’abord et avant tout adhérer à un nouveau mode de vie. Je me suis donnée un an pour voir si j’allais aimer cette nouvelle vie. Ça me donnait un espace intérieur pour me concentrer sur le plaisir du moment présent. On ne devient pas nomade en un jour! Il faut apprivoiser l’idée lentement, se détacher peu à peu de la vie à terre et de ses commodités (mais aussi de ses exigences) pour s’ouvrir avec bonheur à autre chose. 

Partir simplement pour le plaisir m’apparaissait futile. D’où me venait ce sentiment d’avoir besoin d’une permission ou d’une approbation pour vivre… simplement ? On est souvent prisonnier d’un modèle de vie qui ne nous correspond pas et le fait de sortir des normes établies est déstabilisant. 

J’avais besoin de me sentir utile. Ce besoin fut comblé, en partie, par le site internet qui m’a permis de partager notre voyage. Cet échange avec les internautes a été et demeure pour moi une expérience des plus enrichissantes. Je pouvais ainsi garder un lien avec la terre et j’y puisais les encouragements nécessaires et la force de continuer. Chaque message nous donnait l’énergie nécessaire pour aller de l’avant!

J’ai vite réalisé que ce n’était pas une vie de tout repos. Dormir sur nos deux oreilles était chose du passé, car, sécurité oblige, nous devions rester sur le qui-vive.

Après quelques semaines, on a tôt fait de réaliser que nous ne sommes pas en vacances! Il y a un prix à payer pour vivre de cette façon. Les corvées sont nombreuses et ont tendance à s’accumuler. Il faut apprendre à gérer son temps de façon différente. Les courses à l’épicerie sans voiture, la lessive sans machine, le plein des réservoirs d’eau et les entretiens divers prennent un temps considérable.

Ce qui nous aide à supporter l’inconfort de la mer et les aléas de la vie à bord, c’est l’incroyable richesse d’être libre d’aller là où bon nous semble et de faire ce que l’on veut de nos journées. Mais c’est aussi la fabuleuse couleur de la mer qui change selon les mouillages, la proximité de l’eau et de ses richesses, et l’excitation de partir vers des lieux inconnus. Bref, tout ce qui fait partie de la magie du voyage.

Même si l’école est une grande responsabilité et demande une discipline quotidienne, nous aimons avoir le privilège d’enseigner à nos enfants et  de les voir se développer à nos côtés. 

Mais surtout, nous vivons une vie plus simple en harmonie avec nos aspirations ; passer plus de temps en famille et profiter de chaque minute. Après quelque temps vécu à bord, les besoins changent et la vie se simplifie.

La première année

Je savais que la première année était importante pour assurer la continuité du voyage. Il n’était pas question de se lancer en mer à la première occasion. Des conditions de mer inconfortables et un mauvais coup de vent auraient pu tout remettre en question. Notre expérience de la navigation sur l’océan était nulle, mieux valait y aller graduellement et avec beaucoup de prudence. C’est ce que nous avons fait pendant les premiers mois, en empruntant les canaux et rivières des biens connus ICW (IntraCoastal Waterway) et en pratiquant une navigation simple vers le Sud.


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De 1999 à 2004 un tour du monde en famille de 5 ans. Un voyage à bord du voilier Balthazar sur 3 océans et 34 pays. Une ouverture sur le monde en respect et en harmonie avec la nature.

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